Le premier principe de Charlotte Mason
Par Art Middlekauff
La traduction de « Charlotte Mason’s First Principle » faite par Maeva Dauplay Kosse ©2020. Cet article est aussi disponible sur le site Charlotte Mason France.
« “L’enfant est une personne” sera le cœur de notre croisade » (Mason, 1904, p. 10)
Le premier principe du synopsis en vingt points de Charlotte Mason se lit simplement :
Les enfants sont des personnes dès la naissance. (Mason, 1989f, p. xxix)
Composé de huit mots seulement, il s’agit du principe le plus court du synopsis. Cette économie de formulation a contribué à un état général de confusion sur ce que Mason entendait par cette affirmation. Les interprètes contemporains de Charlotte Mason ont abordé ce principe de diverses manières.
1. Certains interprètes ont considéré que le premier principe était avant tout une déclaration sur la nature de l’homme plutôt que sur la nature des enfants. Par exemple :
Charlotte Mason l’a compris, et ce n’est pas par hasard qu’elle commence sa série de principes éducatifs en donnant sa réponse à cette question des âges : « qu’est-ce que l’homme ? » Elle savait que toute philosophie, y compris toute philosophie de l’éducation, devait commencer et se développer naturellement autour d’une compréhension choisie de l’homme et rester cohérente avec cette conception. (Glass, 2014, p. 12)
2. D’autres interprètes ont vu dans le premier principe une continuité de l’être de l’enfant à l’adulte. Il a été pensé que Mason prétendait simplement qu’ontologiquement, les enfants et les adultes sont le même genre de chose. Par exemple, il a été suggéré que le premier principe de Mason affirmait ce qui avait été précédemment affirmé par Saint-Augustin :
Toi donc, ô Seigneur mon Dieu, qui a donné la vie à l’enfant, et un corps que, comme nous le voyons, tu as doté de sens, compacté de membres, embelli de forme, et, pour son bien et sa sécurité, tu y as introduit toutes les énergies vitales… (Augustin, 1886, p. 48)
Selon cette interprétation, le premier principe de Mason est considéré comme contenu dans des déclarations bibliques qui démontrent la prescience de Dieu sur la vie future d’un enfant :
La parole de l’Eternel me fut adressée, en ces mots :
Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais,
et avant que tu fusses sorti de son sein, je t’avais consacré,
je t’avais établi prophète des nations. (Jérémie 1: 4-5)
Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ;
Et sur ton livre étaient tous inscrits
Les jours qui m’étaient destinés,
Avant qu’aucun d’eux existât. (Psaume 139:16)
3. Certains interprètes suggèrent que le premier principe est principalement une réaction à la théorie de l’évolution, introduite par Charles Darwin avec sa publication de L’Origine des espèces en 1859. Cette interprétation est basée sur la réfutation par Mason de l’erreur suivante :
Un bébé est une énorme huître (dit un éminent psychologue) dont l’activité consiste à se nourrir, à dormir et à grandir. (Mason, 1896, p. 852)
Le « psychologue éminent » a indiqué qu’il était influencé par la théorie de l’évolution ; par conséquent, le premier principe de Mason est considéré comme un simple correctif à une idée scientifique de la fin de l’ère victorienne. On suppose alors que Mason ne fait que préconiser un retour à une conception préscientifique et traditionnelle de la nature de l’enfant.
4. Pour finir, certains interprètes ont compris le premier principe comme ayant une portée étroite et accessoire ou, au mieux, complémentaire aux dix-neuf autres principes, plutôt que fondamental et nécessaire à une bonne compréhension de la méthode de Mason.
Contrairement à ces différentes approches, certains ont suggéré que le premier principe de Mason était une vérité profonde avec une pertinence urgente pour l’église moderne. Par exemple, Susan Schaeffer Macaulay écrit :
Cette première proposition de la philosophie éducative de Charlotte Mason peut apparaître comme une déclaration évidente. Mais je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas de l’élément mineur d’une plus grande vérité. C’est une vérité centrale à part entière, l’ignorer serait une faute professionnelle et nous éprouverions de grands regrets. (Macaulay, 1984, p. 12)
Comment se prononcer entre ces nombreux points de vue sur la signification du principe contenant sept mots de Mason ? Comment comprendre correctement l’intention de Mason derrière cette phrase ? La réponse commence par une compréhension de l’histoire des écrits de Mason et du déroulement de sa théorie de l’éducation au fil du temps.
La théorie de l’éducation de Mason s’est dévoilée au cours de sa série de conférences à Bradford à l’hiver 1885. Ces conférences ont été rassemblées et publiées en 1886 sous le nom de Home Education. Mason a considérablement révisé Home Education dans les éditions ultérieures, mais il est toujours possible de consulter l’édition originale pour déterminer les concepts fondamentaux de la théorie de l’éducation de Mason. Elle a témoigné plus tard que l’édition originale de Home Education « contient le tout dans le germe » de la théorie de l’éducation de Mason (Mason, 1904, p. 2). Néanmoins, le volume d’origine ne mentionne pas l’expression « les enfants naissent en tant que personne », ni même le mot « personne » en rapport avec les enfants, à l’exception d’une remarque fortuite.
En fait, l’expression « les enfants sont des personnes dès la naissance » n’apparaît pas dans les ouvrages imprimés de Mason jusqu’à la publication du Synopsis lui-même en 1904, 19 ans après les conférences de Bradford. Mason traite pour la première fois ce concept dans un article publié dans The Parents’ Review en 1911, bien après la fin de la série en cinq volumes Home Education Series. L’article de 1911 intitulé « Les enfants sont des personnes dès la naissance » (Mason, 1911a) doit alors être vu comme l’explication définitive de Mason sur ce qu’elle entendait avec ce principe, car aucun autre passage qu’elle a écrit n’est aussi explicitement lié à cette phrase.
Nous savons que c’était un document important pour Mason puisqu’elle l’avait publié plusieurs fois en tant que livret autonome après sa première parution dans The Parents’ Review. La collection numérique Charlotte Mason contient une édition de 1921 de la brochure (intitulée « Les enfants en tant que“personnes“ ») ainsi qu’une édition de 1923. Le document a également été inclus dans L’histoire de Charlotte Mason d’Essex Cholmondeley, où il apparaît des pages 220 à 233 sous le titre « Les enfants en tant que “personnes“ ». La note de bas de page se lit comme suit : « Écrit en 1911 et révisé deux fois par Charlotte Mason » (Cholmondeley, 2000, p. 220).
Nous apprenons le but de l’article original de 1911 dans une lettre importante de Mason à Henrietta Franklin. Mason écrit :
À propos de mon papier, imprimez-le sous forme de brochure — une grande partie a déjà été dit auparavant, mais je voulais le placer sous l’idée d’une « Raison ». (Mason, 1911b, p. 16)
Cette lettre fournit la clé d’interprétation de l’article « Les enfants sont des personnes dès la naissance ». Mason explique qu’elle a écrit l’article de 1911 afin de rassembler un certain nombre de concepts précédemment exprimés sous une seule idée unificatrice. Cela indique que de nombreux concepts de l’article « Les enfants en tant que personne » doivent avoir des précédents dans les écrits de Mason. Nous pouvons trouver ces précédents par une étude approfondie de « Les enfants sont des personnes dès la naissance » dans laquelle nous identifions des liens avec des idées antérieures dans les écrits de Mason. Cela nous permet donc d’aborder tous les écrits de Mason avec une vision complète de son premier principe.
Toutes les références aux « enfants sont des personnes dès la naissance » (Mason, 1911a) dans cet article citeront le numéro de paragraphe. Une version de l’article de Mason de 1911 avec des paragraphes numérotés peut être trouvée ici. Le contenu de « Les enfants sont des personnes dès la naissance » est résumé dans l’avant-dernier paragraphe :
Nous avons maintenant examiné, quoique de façon insuffisante, la grandeur de l’enfant en tant que personne, la liberté qui lui est due en tant que personne, certaines formes d’oppression qui entravent sa liberté (dont la plupart viennent de l’intérieur), et la nourriture dont il doit se nourrir – l’Admiration, l’Espoir et l’Amour. (Mason, 1911a, ¶30)
Ce paragraphe nous dévoile les grandes lignes de l’article, qui se compose en quatre sections :
-
- « La grandeur de l’enfant en tant que personne »
- « La liberté qui lui est due en tant que personne » et «certaines formes d’oppression qui interfèrent avec sa propre liberté »
- « L’aliment dont il doit vivre »
- Remarques finales
1. La grandeur de l’enfant en tant que personne
Mason commence son article en décrivant « la grandeur de l’enfant en tant que personne ». Dans cette section d’ouverture, elle revient sur les premières pages de Home Education pour explorer la nature de l’enfant et les qualités qui distinguent un enfant d’un adulte.
Après avoir cité « Le découragement corrigé » de William Wordsworth (c. 1806), Mason décrit l’erreur qu’elle souhaite corriger :
… nous considérons une personne comme un produit, et nous appliquons une sorte de formule inconsciente, quelque chose comme ceci : Étant donné telles et telles conditions de civilisation et d’éducation, nous aurons tel et tel résultat, avec des variations. (Mason, 1911a, ¶1)
Selon Mason, la plupart des gens considèrent les personnes comme des produits. Ils ne réalisent pas le « mystère d’une personne ». S’ils le faisaient, ils ne diraient pas de bêtises dans le milieu de l’éducation et dans d’autres domaines :
Cette doctrine, du mystère d’une personne, est très saine et nécessaire pour nous de nos jours ; si nous tentions même de la réaliser, nous ne dirions pas de bêtises comme nous le faisons dans nos efforts de réforme sociale, d’éducation, de relations internationales. (Mason, 1911a, ¶1)
Dans le deuxième paragraphe, Mason explique que « le mystère d’une personne est en effet divin » (Mason, 1911a, ¶2). Parce que le mystère d’une personne est divin, dit-elle, la personnalité n’a pas de limites et ne peut pas être mesurée.
Mason affirme ensuite que le premier principe est révolutionnaire :
Nous croyons que le premier article de notre credo éducatif au P.N.E.U. – « les enfants sont des personnes dès la naissance » – est de caractère révolutionnaire ; car qu’est-ce qu’une révolution sinon un renversement complet d’attitude ? Et lorsque, disons dans une ou deux décennies, nous aurons intégré cette seule idée, nous constaterons que nous avons fait volte-face, que nous avons inversé notre attitude envers les enfants, pas seulement sur quelques points particuliers, mais complètement. (Mason, 1911a, ¶3)
Dans le quatrième paragraphe, Mason révèle que le premier principe n’est pas l’affirmation d’une continuité de l’être entre l’enfance et le stade adulte. Mason ne prétend pas simplement qu’ontologiquement, les enfants et les adultes sont le même genre de chose. Au contraire, Mason dit que « l’immensité » du petit enfant est en fait plus grande que celle de la personne adulte :
… l’immensité d’une personne, et la plus grande immensité du petit enfant… (Mason, 1911a, ¶4)
Pourquoi Mason a-t-elle choisi d’utiliser le mot immensité ? En raison de son occurrence dans le poème de Wordsworth de 1804 « Ode. Intimations d’immortalité », décrivant l’enfant :
Toi, dont l’apparence extérieure dément
L’immensité de ton âme ;
Toi, le meilleur philosophe, qui pourtant gardes
Ton héritage ; tu es l’œil parmi les aveugles, … (Wordsworth, 1828, p. 250)
Ces lignes font partie des 23 lignes de l’ode citée par Mason à la page 8 de l’édition de 1886 de Home Education. Plutôt que de citer les 23 lignes comme elle l’a fait en 1886, dans cet article de 1911, Mason ne comprend que des phrases clés des strophes citées :
… quand le poète dit : «Toi, le meilleur philosophe », «Tu es l’œil parmi les aveugles », « Hanté à jamais par l’esprit éternel », « Puissant prophète ! Voyant béni ! », et ainsi de suite, – des phrases que nous connaissons tous par cœur, mais combien d’entre nous les comprennent ? (Mason, 1911a, ¶4)
En 1886, Mason place ces phrases dans la strophe originale de Wordsworth :
Toi, le meilleur philosophe, qui pourtant gardes
Ton héritage ; tu es l’œil parmi les aveugles,
Qui, sourd et silencieux, lit les profondeurs éternelles,
Hanté à jamais par l’esprit éternel
Puissant prophète ! Voyant béni !
(Mason, 1886, p. 8)
Le poème est cité dans une section de Home Education intitulée « La place de l’enfant » (p. 11, 1886). Mason évoque cette section de son premier livre de philosophie pédagogique en incorporant directement le titre de la section dans cet article de 1911 :
Toutefois, cette dernière affirmation n’est peut-être pas si certaine ; peut-être que l’impôt foncier sur le domaine de l’enfant est vraiment inévitable, et qu’il nous incombe à nous, parents et aînés, d’évaluer la propriété et de payer des intérêts. (Mason, 1911a, ¶4)
Malgré le langage noble et poétique de Wordsworth à propos de l’enfant, Mason dit qu’il a échoué. « Wordsworth avait entrevu la vérité » (Mason, 1911a, ¶4). Il n’a vu qu’une lueur de la vérité – pas la plénitude de la vérité. Où Wordsworth a-t-il échoué ? Et où trouver la vérité la plus complète ? Mason répond à ces questions en 1886. Dans « La place de l’enfant », elle écrit :
… et ainsi de suite, à travers toute cette grande ode, qui, après la Bible, donne l’aperçu le plus profond de ce qui est propre aux enfants dans leur nature et leur place. (Mason, 1886, p. 8)
Cela montre clairement que Mason croit que le seul document qui se réjouit correctement de la nature des enfants est la Bible ; le second est ce poème de Wordsworth. Mais où dans la Bible trouve-t-on cet enseignement ?
« Tel est le royaume des cieux ». « Si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » « Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? » « Jésus, ayant appelé un petit enfant, le plaça au milieu d’eux. » Voici le sentiment divin de la place de l’enfant. Il vaut la peine pour les parents de méditer chaque parole des Évangiles concernant les enfants, en se débarrassant de l’idée que ces paroles appartiennent, en premier lieu, aux adultes qui sont devenus comme des petits enfants. (Mason, 1886, pp. 8–9)
L’enseignement se trouve aux lèvres du Christ. Et Mason trouve dans ces mots quelque chose de bien plus grand que les hautes prétentions de Wordsworth :
Ce que ces paroles profondes sont, et combien elles peuvent signifier, n’est pas le sujet de ce livre ; seulement elles semblent couvrir beaucoup plus que les revendications de Wordsworth sur les enfants dans sa tentative la plus sublime : « Traînant des nuages de gloire, nous venons De Dieu qui est notre maison. » (Mason, 1886, p.9)
Les liens clairs entre ce paragraphe de « Les enfants sont des personnes dès la naissance » et la série Home Education démontrent que les réflexions de Mason sur « La place de l’enfant » dans le volume 1 p. 11 doivent être comprises comme étant au cœur de la signification du premier principe.
Mason continue dans le paragraphe suivant à opposer les enfants aux adultes en affirmant que les petits enfants ont une plus grande capacité à apprécier le merveilleux dans toutes choses que les adultes (Mason, 1911a, ¶5).
Mason indique ensuite que nous n’avons que deux options : « Nous devons soit vénérer soit mépriser les enfants » (Mason, 1911a, ¶6). Nous méprisons les enfants lorsque nous les considérons comme des « êtres incomplets et non développés » (Mason, 1911a, ¶6). Mason choisit le mot mépriser car c’est le mot que le Christ a utilisé :
Nous nous souvenons tous de l’avertissement divin : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits ». (Mason, 1911a, ¶6)
Il s’agit d’une référence directe de Mason à ce qu’elle appelait en 1886 le « code de l’éducation dans les Évangiles » :
Il peut être surprenant pour les parents de découvrir un code d’éducation dans les Évangiles, expressément établi par le Christ. Il se résume en trois commandements, et tous les trois ont un caractère négatif, comme si la chose principale exigée des adultes est qu’ils ne devraient faire aucune sorte de tort aux enfants : Gardez-vous de SCANDALISER — MÉPRISER — EMPÊCHER — un seul de ces petits. (Mason, 1886, p. 9)
La phrase suivante montre que le code est complet :
Voici donc les trois lois éducatives du Nouveau Testament, qui, examinées séparément, me semblent couvrir toute l’aide que nous pouvons apporter aux enfants et tout le mal dont nous pouvons les sauver – c’est-à-dire tout ce qui est inclus dans l’instruction d’un enfant selon la voie qu’il doit suivre. (Mason, 1886, p. 9)
Ce code d’éducation du Christ n’est pas un petit détail qui n’influence qu’une petite partie de la théorie de l’éducation de Mason. Au contraire, Mason base toute sa méthode dessus. Par exemple, elle fait appel aux paroles du Christ comme un mandat pour interdire les leçons ennuyeuses :
Ce qui est presque aussi grave, c’est que la vie intellectuelle de l’enfant peut être anéantie dès le début par une série de leçons mornes et interminables… (Mason, 1886, p. 12)
Nous voyons donc que le premier principe de Mason est destiné à évoquer le « code de l’éducation dans les Évangiles », qui est le fondement typiquement chrétien de Mason pour sa philosophie de l’éducation.
Poursuivant son contraste entre les enfants et les adultes dans le paragraphe suivant, Mason fournit une liste de choses démontrant que les enfants sont supérieurs aux adultes :
- proximité d’observation
- intensité de l’expérience émotionnelle
- capacité à vraiment aimer
- fertilité de l’imagination
- capacité d’apprentissage
Le paragraphe suivant dit que cela peut sembler « à certains d’entre nous une exagération des pouvoirs et des progrès d’un enfant » (Mason, 1911a, ¶8) – mais Mason affirme que c’est une vérité sobre.
Dans le huitième paragraphe, Mason oppose à nouveau les enfants aux adultes en fournissant une liste des réalisations pratiques des enfants au cours des premières années de la vie, comme l’apprentissage d’une langue. Puis Mason différencie sa vision des enfants non seulement de Wordsworth mais aussi de l’évolutionniste :
Je considère un enfant tel qu’il est, et je ne le traque pas, ni avec Wordsworth, vers les hauteurs, ni avec l’évolutionniste, vers les abîmes ; parce qu’une personne est un mystère ; c’est-à-dire que nous ne pouvons pas l’expliquer ou en rendre compte, mais devons l’accepter telle qu’elle est. (Mason, 1911a, ¶8)
Dans le dernier paragraphe de la première section, Mason affirme que les enfants ont de mauvaises tendances et sont pourtant innocents. Ainsi elle rappelle son deuxième principe : «[Les enfants] ne naissent ni bons ni mauvais, mais avec des possibilités de bien et de mal » (Mason, 1989f, p. xxix). De cette façon, le second principe peut être compris comme un corollaire du premier.
Mason continue également de citer le Christ comme fondement de sa philosophie : « … et que le Christ décrit comme l’humilité des petits enfants… » (Mason, 1911a, ¶9).
Mason conclut cette section par une réponse directe aux personnes qui peuvent supposer que son premier principe n’est pas révolutionnaire. Pour ceux qui pensent que « les enfants sont des personnes dès leur naissance » n’est pas nouveau, Mason écrit :
Bien entendu, nous le faisons, dites-vous ; que fait le monde hormis accepter un enfant comme une évidence ? … Mais n’allons-nous pas trop vite ? Acceptons-nous vraiment les enfants comme des personnes…? (Mason, 1911a, ¶9)
2. La liberté qui lui est due en tant que personne et certaines formes d’oppression qui interfèrent avec sa propre liberté
Dans cette deuxième section, Mason passe de la nature et des attributs de l’enfant aux droits inhérents de l’enfant. Elle énumère six droits distincts que l’enfant possède en raison de sa naissance. Elle les appelle « la Déclaration des droits de l’enfant » (Mason, 1911a, ¶14), un terme qui a soulevé les sourcils d’au moins un éducateur classique (Natal, 1999).
Selon Mason, l’idée qui unifie les différents droits de l’enfant est la « liberté ». La liberté est le « droit le plus inaliénable et sacré d’une personne en tant que personne » (Mason, 1911a, ¶10). Mason indique qu’il s’agit d’une nouvelle révélation : « Les parents s’en sont doutés pendant une ou deux générations » (Mason, 1911a, ¶10). Ce que les parents ont « suspecté » (depuis environ 1800), Mason le révélera plus en détail dans les paragraphes suivants. Les parents s’en doutent depuis à peu près l’époque de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), qui « a été le premier à reconnaître que les enfants naissent en tant que personnes ». (Armfield, 1906, p. 77).
Avant d’énumérer les droits spécifiques, Mason jette les bases en déclarant que l’obéissance ne peut être enseignée à juste titre que sur la base de l’autorité morale (Mason, 1911a, ¶11). Il s’agit d’une reformulation du troisième principe de son synopsis, indiquant le lien direct entre les principes 1 et 3.
Droit # 1: Absence de licence
Dans le onzième paragraphe, Mason écrit :
Le premier devoir des parents est d’enseigner aux enfants le sens du mot « devoir » ; et la raison pour laquelle certains parents n’obtiennent pas une obéissance prompte et joyeuse de leurs enfants est qu’ils ne reconnaissent pas le « devoir » dans leur propre vie. (Mason, 1911a, ¶12)
Ceci est un parallèle direct à ce qu’elle écrivit en 1886 :
L’enfant n’a jamais perçu de je dois derrière les décisions de sa mère ; il ne sait pas qu’elle ne doit pas le laisser casser les jouets de sa sœur, se gaver de gâteau, gâcher le plaisir des autres, parce que ces choses ne sont pas bonnes. (Mason, 1886, p. 11–12)
En se référant à nouveau aux premières pages de Home Education, Mason montre que l’expression « Les enfants sont des personnes dès leur naissance » est censée englober son enseignement de 1886, même si elle n’utilisait pas le terme de personnalité à cette époque.
Dans le paragraphe suivant, Mason indique que le parent est également sous autorité (Mason, 1911a, ¶13). Ceci est étroitement lié au quatrième principe de son synopsis, indiquant le lien direct entre les principes 1 et 4. Encore une fois, l’idée est également présentée en premier dans les premières pages de Home Education :
Faites en sorte que l’enfant perçoive que ses parents sont tenus par la loi aussi bien que lui, qu’ils ne peuvent tout simplement pas lui permettre de faire les choses qui ont été interdites, et il se soumettra avec la douce humilité qui appartient à son âge. (Mason, 1886 p. 12)
Droit # 2 : Absence de conscience de soi
Dans le paragraphe suivant, Mason écrit :
L’article qui suit dans la Déclaration des Droits de l’Enfant est cette liberté que nous appelons innocence, et qui est appelée humilité dans les évangiles. (Mason, 1911a, ¶14)
Le parent ne doit pas rendre l’enfant conscient de lui-même. Mason trouve la base de ce droit non pas dans la tradition classique mais dans les enseignements du Christ. Dans cet article, Mason procède de l’enseignement du Christ sur la nature de l’enfant à ce premier droit de l’enfant que l’on trouve « dans les évangiles ».
Droit # 3: Accès au banquet
Au quinzième paragraphe, Mason note que :
Notre travail pour libérer les enfants de cette tyrannie doit être positif aussi bien que négatif ; il ne suffit pas de s’abstenir de tout regard ou parole susceptible de ramener l’enfant à lui-même, mais nous devons le rendre maître de son héritage et lui donner beaucoup de choses agréables à penser… (Mason, 1911a, ¶15)
L’utilisation par Mason des mots « positif » et « négatif » est à nouveau une allusion directe à sa première exposition du « code de l’éducation dans les Évangiles » de 1886 :
En effet, le positif est inclus dans le négatif, ce que nous sommes tenus de faire pour l’enfant est inclus dans ce qu’il nous est interdit de faire pour ne pas lui faire de mal. (Mason, 1886, p. 9)
On voit donc que le onzième principe du Synopsis découle directement du premier principe :
11. Mais nous, estimant que l’enfant normal a les pouvoirs d’esprit requis pour gérer toutes les connaissances qui lui sont propres, lui donnons un programme complet et généreux ; veillant seulement à ce que toutes les connaissances qui lui sont offertes soient vivantes, c’est-à-dire que les faits ne soient pas présentés sans leur contexte. (Mason, 1989f, p. xxx)
Nous voyons encore un autre principe déduit par Mason de la nature de l’enfant, tel que compris par les paroles du Christ dans les Évangiles.
Droit # 4: Absence d’égoïsme
Mason affirme ensuite que tous les enfants ont le droit d’être à l’abri de la tyrannie de l’égoïsme, et que cela impose aux parents la responsabilité d’éduquer correctement leurs enfants. Mason fournit ces conseils :
L’égoïsme est une tyrannie à laquelle il est difficile d’échapper ; mais une certaine connaissance de la nature humaine, du fait que l’enfant a, naturellement, d’autres désirs que ceux qui tendent à la satisfaction de soi, qu’il aime être aimé, par exemple, et qu’il aime savoir, qu’il aime servir et qu’il aime donner, aidera ses parents à rétablir l’équilibre de ses qualités et à empêcher l’enfant de devenir l’esclave de son propre égoïsme. (Mason, 1911a, ¶16)
Mason implique qu’une méthode d’éducation basée sur les prix et l’émulation renforcera plutôt qu’affaiblira l’impulsion de l’égoïsme. Mais elle indique qu’une méthode d’éducation basée sur le désir de connaissance de l’enfant aidera à délivrer l’enfant de cette tyrannie. Nous voyons donc que l’approche de Mason en matière de motivation est directement liée à sa compréhension de l’enfant en tant que personne.
Droit # 5 : Liberté de penser
Mason écrit : « Une autre liberté que nous devons défendre pour les enfants est la liberté de pensée.» (Mason, 1911a, ¶17). Les parents et les enseignants ne peuvent pas violer les droits inhérents de leurs enfants en imposant ou en implantant des pensées, des idées et des opinions. L’enfant doit être autorisé (et encouragé à) penser par lui-même.
Droit # 6 : Absence de superstition
Le sixième droit de l’enfant est peut-être le plus important. Mason écrit : « La dernière tyrannie que nous pouvons considérer est celle de la superstition » (Mason, 1911a, ¶18). Selon Mason, la seule façon de garantir cette liberté est d’enseigner et de former la connaissance de Dieu :
Si nous ne voulons pas que nos enfants soient exposés à des terreurs particulièrement terribles pour les jeunes, notre ressource est de leur donner la connaissance de Dieu, et « la vérité les rendra libres ». (Mason, 1911a, ¶18)
En citant Jean 8:32, Mason révèle à nouveau qu’elle se tourne vers le Christ pour obtenir des conseils. En effet, dans ce paragraphe, elle montre que la réponse n’était pas connue des penseurs classiques préchrétiens :
Les tragédies d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, ont toutes un seul et même thème épouvantable, le jeu arbitraire et irréfléchi des dieux sur les destinées humaines. En effet, il a été dit que la tragédie est impossible à une époque chrétienne, parce que le caractère désespéré de toute situation implique la mauvaise volonté des dieux ; et l’on cite comme un fait curieux que des trois grandes tragédies de Shakespeare, deux sont situées à des époques pré-chrétiennes, et que la troisième est provoquée par une personne non-chrétienne. (Mason, 1911a, ¶18)
On pourrait objecter que l’éducation ne peut pas enseigner la connaissance de Dieu et qu’un tel contenu spirituel et religieux est hors de la portée du parent et de l’enseignant. Mais Mason insiste sur le fait que ce n’est pas le cas, en raison du 20e principe de son synopsis :
Il est nécessaire de faire en sorte que les enfants se reconnaissent comme des esprits, afin qu’ils se rendent compte de la facilité et de la nécessité de l’accès de l’Esprit divin à leur esprit, de l’Ami intime qui est avec eux, invisible, tout au long de leurs jours, de la présence du Tout-Puissant autour d’eux pour les chérir et les protéger, de l’impossibilité pour les puissances des ténèbres de les approcher, puisqu’ils sont en sécurité dans la protection de leur « Amant tout-puissant ». (Mason, 1911a, ¶18)
Nous voyons encore un autre principe déduit par Mason directement des paroles du Christ dans les Évangiles.
Mason conclut sa présentation de « La Déclaration des droits de l’enfant » en insistant sur la responsabilité du parent :
… si la place d’un enfant est un ciel bien ordonné, il doit remercier ses parents pour son heureux état ; et, s’il est condamné à un « enfer » d’agitation et de désirs et de ressentiments ardents, ses parents sont-ils sans reproche ? (Mason, 1911a, ¶19)
Mason réaffirme à nouveau les responsabilités des parents qu’elle a identifiées pour la première fois près de 30 ans auparavant dans sa série de conférences :
Et cette responsabilité n’est pas partagée équitablement entre les parents : c’est sur les mères d’aujourd’hui que l’avenir du monde repose, dans une plus grande mesure encore que sur les pères, car ce sont les mères qui ont la charge unique des premières années des enfants, années qui sont les plus influençables. (Mason, 1886, p. 2)
3. L’aliment dont il doit vivre
Au vingtième paragraphe, Mason passe de la discussion des droits de l’enfant à la discussion des besoins de l’enfant. Elle indique qu’elle utilisera trois lignes du poème « Despondency Corrected » de Wordsworth (c. 1806) pour décrire les trois principaux besoins.
Besoin n° 1 : espoir
Mason a d’abord indiqué que la personne vit d’espoir. La principale preuve qu’elle cite est que « Notre Dieu est décrit comme “le Dieu de l’espoir.“ Alors que certains peuvent se moquer et dire « quel est le bien de l’espoir », Mason réplique :
… cet espoir est une possession réelle sinon tangible, que, comme toutes les meilleures choses, nous pouvons demander et obtenir. (Mason, 1911a, ¶21)
Besoin n° 2 : l’amour
Dans le paragraphe suivant, Mason note que la personne vit par amour dans de nombreuses dimensions : l’amour envers et à partir des autres, et l’amour envers et à partir de Dieu. Mais ces nombreuses dimensions forment une unité : « Comme tout amour implique de donner et de recevoir, il n’est pas nécessaire de diviser les courants qui se rencontrent. » (Mason, 1911a, ¶22). Et ce n’est pas « une affection dévorante et déraisonnable », mais plutôt « de l’amour (émis) dans toutes les directions et que nous en recevons de toutes les sources » (Mason, 1911a, ¶22).
Mason cite l’autorité biblique pour les trois grands besoins de l’enfant. Elle assimile l’admiration, l’espoir et l’amour de Wordsworth à « la foi, l’espérance et l’amour » de St. Paul (1 Co 13:13). Deux des mots correspondent ; Mason assimile alors « admiration » à « foi ». Pour la deuxième fois maintenant, Mason indique à quel point Wordsworth parvient à articuler la vérité parfaite de la Parole de Dieu :
… toute cette grande ode, qui, après la Bible, donne l’aperçu le plus profond de ce qui est propre aux enfants dans leur nature et leur place. (Mason, 1886, pp. 11-12)
Besoin n ° 3 : Admiration (foi)
Mason décrit maintenant le troisième grand besoin de la personne, « l’admiration » (Wordsworth) ou la « foi » (St. Paul). Dans ce paragraphe, Mason note que l’admiration ou la foi sont transmises à l’enfant principalement par l’atmosphère : « nous ne devons pas parler abondamment » (Mason, 1911a, ¶23). Cela rappelle le sixième principe de son synopsis, indiquant le lien direct entre les principes 1 et 6.
Dans le vingt-quatrième paragraphe, Mason indique que la chose la plus importante à transmettre dans l’éducation est la connaissance de Dieu :
[Les parents] croient que la connaissance de Dieu, la foi en un Dieu, est la chose vitale, et c’est vraiment cela qu’ils tiennent le plus à ce que leurs enfants possèdent, mais ils hésitent à parler de ce qui leur tient le plus à cœur… (Mason, 1911a, ¶24)
Cela contraste avec l’enseignement classique, où la vertu est le but le plus élevé. Certains peuvent prétendre que la connaissance de Dieu est une question religieuse qui ne peut être transmise par l’éducation. Mais Mason contrecarre cette notion en disant :
Je pense que cela nous aiderait de comprendre qu’à aucun moment de leur vie les enfants n’ignorent Dieu, que le terrain est toujours préparé pour cette semence, et que le seul soin de la mère doit être d’éviter les platitudes et les expressions éculées, et de parler avec la fraîcheur et la ferveur de ses propres convictions. (Mason, 1911a, ¶24)
Étant donné que la connaissance de Dieu est la condition naturelle (et non surnaturelle) de l’enfant, elle constitue un objectif approprié de l’éducation. Et Mason pointe la narration du texte biblique comme un moyen clé pour y parvenir (où la méditation est une narration mentale) :
Je pense que nous pourrions utiliser plus que nous ne le faisons l’habitude de la méditation comme moyen d’atteindre la connaissance de Dieu. (Mason, 1911a, ¶24)
Mason explique ce que l’on entend par méditation dans son article de 1906 portant ce nom :
Mais tout cela n’est pas de la méditation ? Non ; mais à la fin, la mère ou l’enseignante pourrait dire : « Tu te réveilles parfois avant l’arrivée de la nourrice. Si vous deviez le faire demain, vous pourriez vous raconter cette histoire sans oublier un mot. » C’est l’une des choses agréables qu’un enfant adorera faire ; et ici nous avons la méditation, non pas dans sa phase initiale, mais dans la perfection ; parce que cet acte de narration mentale a l’effet curieux de mettre sous les yeux de l’esprit les personnes et l’action du conte, un peu comme elles apparaissent chez un cinémographe ; et, avec le progrès de l’histoire et l’action des personnages, viennent à l’esprit les idées qui lui sont propres – vous méditez dans le sens le plus complet du mot.
Cette manière de méditer pourrait bien être recommandée aux enfants de tous âges ; leur propre lecture dévotionnelle du soir faisant l’objet de leur méditation matinale, ou vice versa, selon ce qui est le plus pratique. (Mason, 1906, p. 708)
En assimilant la méditation à la narration, Mason pointe le quatorzième principe de son synopsis, indiquant le lien direct entre les principes 1 et 14.
Mason revient ensuite sur le sujet de l’espoir et expose l’idée que « nous devons élever les jeunes avec ce stimulant » de l’espoir (Mason, 1911a, ¶25). Au paragraphe 26, elle décrit plus en détail comment la grâce de l’espérance peut être communiquée aux enfants.
Dans le paragraphe suivant, Mason affirme à nouveau que la connaissance de Dieu est le but et la récompense les plus élevés de la vie : « la connaissance de Dieu constitue la récompense ineffable qui nous est offerte…» (Mason, 1911a, ¶27). En parlant de vie, Mason voit une continuité radicale entre cette vie et la suivante. Au lieu de réduire l’espoir à un désir pour le prochain monde, Mason indique que l’espoir maintenant et dans l’au-delà est en grande partie le même :
… qu’il n’y ait aucun indice de changement en place, mais seulement de changement d’état ; que, de façon concevable, les travaux que nous avons commencés, les intérêts que nous avons établis, les travaux pour les autres que nous avons entrepris, les amours qui nous contraignent – peuvent encore être notre occupation dans la vie invisible – il se peut que, avec une telle possibilité devant nous, nous devions passer nos jours avec plus de sérieux et d’efforts, et avec un grand espoir indicible. (Mason, 1911a, ¶27)
Mason explique la nature commune de cette vie et la suivante dans une lettre de 1911 à Henrietta Franklin :
Cela vous dérange-t-il que je vous demande de relire le vol. II. des petits livres rouges [du Sauveur du monde] pp. 71-76 et Vol. III. pp. 106-117. J’ai essayé de dire de façon très grossière quelque chose que j’aimerais expliquer. (Je sais que vous aussi recevez Jésus comme « un enseignant envoyé par Dieu » et c’est tout l’argument requis). Mais je veux vous dire pourquoi je pense que je dois continuer à vivre aussi longtemps que je le peux. Je ne recherche rien de plus que le châtiment, la récompense ou l’indemnisation que je reçois ici – à la seule exception d’une « vie plus abondante », c’est-à-dire, je pense, la connaissance de Dieu, la conscience de Dieu.
Mais il y en aura
Tant à faire
Tant à savoir
Tant à voir
Tellement à aimer
À l’heure actuelle, les gens ne peuvent voir, savoir, faire, aimer que lorsqu’ils sont préparés, et j’ai l’idée que nous devons commencer les choses dans la chair. Nous continuerons avec cela dans l’esprit. Toutes les personnes que nous rencontrerons, nous devons d’abord les connaître, les réaliser ; toutes les fleurs du monde – toutes les étoiles de l’univers (et je ne connais pas d’astronomie à proprement parler !)
Bien sûr, « Ses serviteurs le serviront » toujours de toutes les manières et nous ne savons pas quelle est la première ou la dernière des façons, vous vous souvenez du Lazare de Browning, à quel point les choses intensément insignifiantes l’ont attiré.
Je ne devrais pas me demander si c’est le genre d’évangile que notre âge attend et si nous attendons si mal que nous jouons comme des enfants fatigués dans une foire. (Mason, 1911c, p. 18)
Mason indique que pour fixer cet espoir chez les enfants, nous devons fixer l’espoir d’abord dans nos propres cœurs.
Puis au paragraphe vingt-neuf, Mason revient sur le sujet de l’amour et indique que l’atmosphère est le principal moyen de transmettre cette grâce aux enfants :
Si nous aimons nous-mêmes ces choses qui sont belles, eh bien, l’amour est contagieux et les enfants feront comme nous. (Mason, 1911A, ¶29)
4. Remarques finales
Dans le trentième paragraphe, cité ci-dessus, Mason révèle la structure de l’article. Et en conclusion, Mason cite à nouveau les poèmes qu’elle a cités au début.
Implications
Dans son article, Mason affirme à plusieurs reprises que le premier principe est révolutionnaire. Elle déclare que l’idée générale n’est suspectée que depuis « une génération ou deux » (¶10). Cette perspective est expliquée par une conférence antérieure à un public de PNEU. Le 24 novembre 1906, une femme nommée Mlle Shakespeare s’est adressée à un rassemblement du PNEU à Oakleigh, Duppas Hill. Son sujet était « L’enfant dans la littérature ». Dans son discours, elle a « passé en revue le traitement des enfants dans la littérature du monde jusqu’à nos jours » (Armfield, 1906, p. 77). On nous dit qu’elle a commencé avec les anciens :
Elle a souligné que les enfants avaient toujours été traités objectivement dans la littérature des Anciens et a montré que c’était relativement récemment que le point de vue avait changé. Elle a lu des citations d’Homère et d’autres écrivains pour le prouver et pour montrer l’amour passionné pour les enfants même à cette époque. (Armfield, 1906, p. 77)
Selon cette conférencière du PNEU, la vision grecque classique de l’enfant, telle qu’exprimée par Homère et d’autres, était « objective ». Mais « relativement récemment », quelque chose avait changé – la vision contemporaine des enfants n’était plus « objective » (Armfield, 1906, p. 77).
Dans la conférence de Mlle Shakespeare, elle «[est passée] au moyen âge», car elle « ne nous donne aucune image de l’enfance, même pas de la plume de Chaucer ». Ensuite « la conférencière s’est attardée sur les formalités et les cérémonies qui existaient entre parents et enfants aux 17e et 18e siècles, citant Montaigne pour montrer jusqu’où allaient ces formalités. » Mlle Shakespeare a particulièrement noté le point de vue de John Locke :
La conférencière a mentionné le point de vue de Locke sur l’esprit d’un enfant comme une feuille de papier vierge sur laquelle il fallait écrire pour montrer à quel point le point de vue était toujours objectif. (Armfield, 1906, p. 77)
Mlle Shakespeare décrit ensuite un changement :
Elle passe ensuite à Rousseau, soulignant qu’il est le premier à reconnaître que les enfants sont des personnes dès leur naissance et que, depuis lors, les idées sur les enfants ont progressivement évolué jusqu’à ce que le point de vue soit devenu totalement subjectif aujourd’hui ; les droits des enfants ont été reconnus, leur individualité a pu se développer et ils ont été traités avec un amour sage et réfléchi. Mlle Shakespeare a illustré ce changement d’attitude progressif envers les enfants par des extraits délicieux et pertinents de la littérature de chaque période. (Armfield, 1906, p. 77)
Avec l’apparition de Jean-Jacques Rousseau, les enfants ont commencé à être vus d’un point de vue subjectif : les enfants étaient vus comme des personnes. Selon Shakespeare, les implications de ce point de vue étaient les suivantes :
- « Les droits des enfants ont été reconnus »
- « Leur individualité a pu se développer »
- « Ils ont été traités avec un amour sage et réfléchi »
Cette perspective correspond parfaitement au contenu de « Les enfants naissent en tant que personne », dans lequel Mason énonce explicitement « la Déclaration des droits de l’enfant » (¶14).
Mason décrit une progression de la pensée qui s’est produite entre l’époque de Rousseau et sa propre époque. Dans The Parents’ Review en 1896, Mason dit que « nos grands-pères et grands-mères avaient un principe salvateur qui, au cours des deux ou trois dernières décennies, nous avons été, à dessein déterminé, travaillés à perdre » (Mason, 1896, p. 851). Les grands-parents de Mason étaient parents vers 1800, peu de temps après la mort de Rousseau. Quelque chose a changé deux ou trois décennies avant l’époque de Mason, qui se situerait entre 1866 et 1876.
En 1859, Charles Darwin a publié Sur l’origine des espèces. Cela a influencé la pensée de beaucoup à l’époque de Mason, y compris James Sully, qui a publié Studies of Childhood en 1895. Dans l’article de 1896, Mason écrit :
Un bébé est une énorme huître (dit un éminent psychologue) dont l’activité consiste à se nourrir, à dormir et à grandir. Même le professeur Sully, dans son livre le plus délicieux, est déchiré en deux. Les enfants l’ont conquis, l’ont convaincu hors de tout doute qu’ils sont comme nous, mais plus encore. Mais alors il est évolutionniste et se sent engagé à adapter l’enfant aux principes de l’évolution. (Mason, 1896, p. 852)
Mason décrit un changement d’attitude dû à l’influence de la théorie de l’évolution. Notons cependant que cela n’indique pas un changement dans la trajectoire de la pensée de la vue objective à la vue subjective. Chaque indication donnée par la description de Mason de l’impact de Sully et des idées connexes est cohérente avec une vision de plus en plus subjective des enfants.
Néanmoins, il est important de comprendre que le premier principe de Mason ne peut être réduit à une réfutation du concept évolutif de « l’huître ». Dans « Les enfants naissent en tant que personne », l’évolution n’est mentionnée qu’une seule fois, mais comme un élément d’une image beaucoup plus large :
Je considère un enfant tel qu’il est, et je ne le traque pas, ni avec Wordsworth, vers les hauteurs, ni avec l’évolutionniste, vers les abîmes ; parce qu’une personne est un mystère ; c’est-à-dire que nous ne pouvons pas l’expliquer ou en rendre compte, mais devons l’accepter telle qu’elle est. (Mason, 1911a, ¶8)
Rappelons que, selon Mason, Wordsworth, « après la Bible, montre la compréhension la plus profonde de ce qui est particulier aux enfants dans leur nature et leur domaine » (Mason, 1886, p. 8). Pour Mason, la plénitude se trouve dans les paroles du Christ, et si nous entrons dans ces paroles par la foi, nous entrons dans une révolution. Edward Lyttelton, ancien directeur d’Eton, a reconnu la nature révolutionnaire de la « vision subjective » de Mason sur l’enfant :
Lyttleton [sic] s’exprimant en 1922 avait déclaré que C. M. Mason avait fait « la grande découverte éducative de l’époque ».
…
« La découverte », a déclaré Elsie Kitching, « est que les personnes ont des esprits et que les esprits ont besoin de relations et que les relations sont inspirées par le Saint-Esprit » (Cholmondeley, 1956, p. 6).
Un test utile pour voir si un parent ou un enseignant comprend le premier principe est de considérer ces mots de Mason :
Maintenant, placez un enseignant devant une classe de personnes d’une beauté et d’une immensité telle que j’ai essayé d’indiquer et il dira : « Qu’est-ce que j’ai à leur offrir ? » Ses leçons de routine ennuyeuses s’effondrent dans la poussière quand elles font face aux enfants tels qu’ils sont.
…
Nous enlevons nos chaussures de nos pieds ; nous « ne savions pas que c’était en eux », que nous soyons leurs parents, leurs professeurs ou de simples spectateurs. Et avec un certain sentiment de respect pour nous, nous serons mieux préparés à réfléchir à la manière et aux éléments sur lesquels les enfants devraient être éduqués. (Mason, 1989f, p. 44-45)
Si nous regardons nos enfants et n’avons pas ce « sentiment d’émerveillement », alors nous ne comprenons pas le premier principe de Mason. Si nos leçons de routine ne s’effondrent pas en poussière, alors nous n’avons pas affronté « les enfants tels qu’ils sont ». Si nous ne reconnaissons pas notre propre pauvreté et que ne nous demandons pas « Qu’est-ce que j’ai à offrir » aux enfants, alors nous ne sommes pas encore entrés dans la révolution.
Mason affirme que les enfants sont nés avec plusieurs pouvoirs :
- « tous les pouvoirs nécessaires pour réaliser et s’approprier toute la connaissance, toute la beauté et toute la bonté » (Mason, 1911a, ¶15)
- « Le degré de pouvoir pour gérer les connaissances qui lui appartiendront en tant qu’homme » (Mason, 1989e, p. 363)
- « Tout l’esprit dont il a besoin pour ses occasions » (Mason, 1989f, p. 36)
L’implication est que nous devons abandonner la notion classique d’enseigner à nos enfants les outils d’apprentissage :
Notre métier est donc de le nourrir au quotidien avec les connaissances qui lui sont propres… plutôt que de lui fournir les outils pour gérer les connaissances, voire de faire de lui un expert dans l’utilisation de ces outils… (Mason, 1989e, p. 363)
De plus, nous devons reconnaître les droits de l’enfant. Dans les autres écrits de Mason, elle énumère les droits supplémentaires des enfants en tant que personnes non énumérées dans son article de 1911:
- « Le droit de chaque individu de se développer sur le modèle de son propre caractère » (Mason, 1989c, p. 138)
- « Notre premier soin doit être de préserver l’individualité, donner du jeu à la personnalité des enfants » (Mason, 1989a, p. 186)
- « Nous ne pouvons pas nous mêler directement de la personnalité de l’enfant ou de l’homme » (Mason, 1989c, p. 183)
- « Nous ne pouvons pas commettre une infraction plus grave que de mutiler, écraser ou renverser une partie d’une personne» (Mason, 1989f, p. 80)
Il est impossible de surestimer l’importance fondamentale du premier principe dans la théorie de l’éducation de Mason. Nous avons vu dans le document de 1911 que les principes 2, 3, 4, 6, 11, 14 et 20 dérivent tous du principe 1. En effet, Mason déclare que « “l’Enfant en tant que personne“ sera le nœud même de notre croisade. » (Mason, 1904, p. 10). Il est inconcevable que le nœud de la croisade soit un retour à la philosophie classique. Au contraire, l’article de Mason de 1911 fait directement allusion à sa conception de 1886 du « code de l’éducation dans les Évangiles », qui englobe « tout ce qui est inclus dans la formation d’un enfant pour qu’il avance sur son propre chemin » (Mason, 1886, p. 9). Nous voyons alors que le « nœud de notre croisade » n’est rien de moins que le code de l’éducation dans les Évangiles.
On voit ainsi que le principe « Les enfants naissent en tant que personne » est une affirmation majeure qui contient une multitude d’idées dérivées. Après la mort de Mason, il a été considéré comme une règle fondamentale pour identifier ce qui est fidèle à sa méthode :
[Mason] a toujours testé chaque nouvelle idée selon les principes sous-jacents de sa philosophie : «Un enfant est une personne» et, en tant que tel, a besoin de nourriture pour l’âme et l’esprit comme le fait le corps. (Franklin, 1927, P. 182)
Cette règle est applicable aujourd’hui. Toute interprétation qui ne prend pas en charge ce test est une méthode Mason contrefaite. Adoptez ce test et entrez dans la révolution aujourd’hui. Ces idées ont encore le pouvoir de changer le monde, un parent ou un enseignant à la fois. Le prochain à changer pourrait être vous.
References
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